Court Bouillon

La médecin de Salerne.

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En 1059, Salerne possédait une femme médecin. Tout n'est qu'un éternel recommencement en ce monde. Qui l'eût cru? Les femmes docteurs remontant à l'École de Salerne! Voilà qui va porter une singulière atteinte au modernisme de la doctoresse.

Mais, il y a mieux: la doctoresse de Salerne, qui se nommait, dit-on, Trotula, ne se contentait pas de soigner et de guérir, elle professait. Vous entendez bien, elle professait !

Que nos Écoles de médecine sont en retard! Il n'y en a pas une que je sache, qui ait le moindre professeur en jupons.

Trotula n'était pas, du reste, la seule femme médecin de Salerne . On voit par une foule de textes des auteurs Salernitains qu'il y avait, au contraire, en cette ville un grand nombre de femmes médecins, qu'elles y étaient fort recherchées par les malades et fort estimées par les maîtres de l'École qui les citent comme des autorités.

Et l'on dit que le XIXe siècle a inventé le féminisme !

Ce qui intéressera plus particulièrement les lecteurs du Monde Dentaire c'est que les femmes médecins de l'École de Salerne s'occupaient non seulement des maladies des femmes, des accouchements et de toutes les autres branches de l'art de guérir, mais qu'elles étaient encore, pour la plupart, stomatologistes !

Ainsi, dans le Compendium Salemitatum il y a de nombreux chapitres empruntés à Trotula sur les affections des gencives et des dents.

Elle fait la recommandation de façonner, par une sorte de pétrissage, la tête, le nez et les autres membres des nouveau-nés. La dentition est l'objet de soins particuliers : elle prône surtout de petits hochets recouverts de sucre ou de miel pour adoucir les gencives et faciliter l'éclosion des dents.

Trotula jouissait à Salerne de la réputation de guérir les maux de dents. Elle employait, pour opérer ses cures, des sachets qu'elle plaçait entre les gencives de ceux qui recouraient à elle. À peine ceux-ci avaient-ils commencé à presser et à mâchonner les petits sacs, qu'une salivation abondante survenait et enlevait instantanément la douleur. Trotula faisait grand mystère de sa recette, dit-on, et l'Histoire ne nous en a point hélas! transmis le secret. Si la légende n'a rien exagéré, combien elle laissait derrière elle les médicaments employés de nos jours.

Ainsi, dès le IX siècle,peut-être avant, le stomatologiste existait et ce stomatologiste était une femme médecin. Quand je vous disais qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Je suis sûr qu'en cherchant bien, on retrouverait à l'École de Salerne, ou aux alentours, la polémique actuelle des dentistes et des stomatologistes qui se figurent peut-être avoir inventé quelque chose.

P. Thomassin.

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